Obligations légales de l’entrepreneur du bâtiment en Suisse : le guide complet
Dans le secteur du bâtiment, l’entrepreneuriat est régi par un cadre réglementaire strict. Ce dernier tend à garantir la sécurité, la qualité et la durabilité des ouvrages construits. Il vise également à protéger à la fois les entrepreneurs et les travailleurs présents sur les chantiers.
En tant que chef d’entreprise, vous avez le devoir de connaître les nombreuses obligations légales auxquelles vous devez vous conformer pour éviter toute sanction. Cela, dans de nombreux domaines : qualifications professionnelles, sécurité sur chantier, gestion des déchets, comptabilité, etc. Vous êtes un peu perdu face à tout cela ?
Vertuoza vous offre un récapitulatif complet des obligations légales de l’entrepreneur du bâtiment.
L’obligation de posséder les qualifications professionnelles requises pour exercer son activité
En Suisse, la réglementation sur les qualifications professionnelles nécessaires pour exercer une activité dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) varie en fonction du type d’activité et du canton.
Les professions réglementées dans le secteur de la construction, comme les architectes, les ingénieurs civils et les géomètres, nécessitent généralement des diplômes spécifiques et une inscription auprès des associations professionnelles ou des registres cantonaux. Pour les métiers techniques et manuels (maçons, charpentiers, électriciens, etc.), il est souvent requis de posséder un certificat fédéral de capacité (CFC) ou une attestation équivalente.
En revanche, pour ouvrir une entreprise dans le BTP, il n’est pas strictement nécessaire de détenir un diplôme spécifique. Cependant, des compétences techniques et une expérience dans le domaine sont fortement recommandées pour réussir et pour répondre aux exigences de certains contrats et clients.
Bon à savoir : Pour certaines activités spécialisées, comme l’installation électrique, il est nécessaire que l’entreprise emploie un responsable technique qualifié qui détient les certifications appropriées.
L’obligation de s’enregistrer auprès des organismes compétents
Toute entreprise commerciale doit s’inscrire au registre du commerce. Cela inclut les entreprises du secteur du BTP. Les exigences varient ensuite selon la forme juridique de l’entreprise :
- Pour une entreprise individuelle, l’inscription est obligatoire si le chiffre d’affaires annuel dépasse 100 000 CHF.
- Pour une société en nom collectif ou en commandite, l'inscription est obligatoire quelle que soit la taille de l’entreprise.
- Pour une société à responsabilité limitée (SARL) et société anonyme (SA), l’ inscription est obligatoire quelle que soit la taille de l’entreprise.
Toute entreprise doit obtenir un numéro IDE pour des raisons fiscales. Pour la sécurité sociale, toutes les entreprises doivent s’affilier à une caisse de compensation pour verser les cotisations AVS/AI/APG.
L’obligation de respecter les normes de sécurité
La Suva (Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents) émet des directives spécifiques concernant la sécurité dans le secteur de la construction, y compris. Elle prévoit :
- L’utilisation d’équipements de protection individuelle (EPI), garde-corps, filets de sécurité, etc.
- La maintenance régulière des appareils aux normes de sécurité.
- L’accès à des installations sanitaires.
Les employeurs sont tenus de réaliser une évaluation des risques pour identifier et prévenir les dangers sur les chantiers. Ils doivent fournir les EPI nécessaires (casques, gants, harnais, etc.) et s’assurer de leur utilisation correcte par les travailleurs.
Il est également de leur devoir de mettre en place des mesures de surveillance pour vérifier que les règles de sécurité sont respectées sur les chantiers. Cela inclut des inspections régulières et la mise en place de procédures pour signaler et corriger les infractions.
Bon à savoir : Le non-respect des normes de sécurité peut entraîner des sanctions administratives et pénales. Les employeurs peuvent être tenus responsables en cas d’accident résultant d’une violation des règles de sécurité.
L’obligation d’assurer la formation et la sensibilisation des employés aux risques professionnels
L’Ordonnance 3 relative à la loi sur le travail (OLT 3) définit les exigences générales en matière de protection de la santé et de sécurité des travailleurs, y compris les obligations de formation et de sensibilisation.
En l’occurrence, les employeurs doivent s’assurer que tous les nouveaux employés reçoivent une formation adéquate avant de commencer leurs tâches. Cette formation doit couvrir les risques spécifiques associés à leurs fonctions et les mesures de sécurité à prendre.
Les employeurs doivent également organiser des sessions de formation régulières pour mettre à jour les connaissances des employés sur les nouvelles procédures de sécurité, les équipements et les modifications des réglementations.
Enfin, ils doivent réaliser des inspections régulières des lieux de travail pour s’assurer que les mesures de sécurité sont respectées et que les employés appliquent les connaissances acquises lors des formations.
Bon à savoir : Les employeurs sont responsables de la sécurité et de la santé de leurs employés. En cas d’accident ou de maladie professionnelle résultant d’un manquement aux obligations de formation et de sensibilisation, l’employeur peut être tenu responsable.
L’obligation de respecter les règles de tri et de collecte des déchets
La Loi fédérale sur la protection de l’environnement (LPE) constitue la base légale pour la gestion des déchets en Suisse. Elle stipule que les déchets doivent être gérés de manière à éviter les impacts négatifs sur l’environnement et la santé humaine.
Les entreprises du secteur de la construction doivent trier les déchets de construction (béton, briques, bois, métal, etc.) et les acheminer vers les filières de recyclage appropriées. Elles doivent tenir des registres de la gestion des déchets, y compris les quantités de déchets générés, triés, recyclés ou éliminés.
L’obligation de travailler dans les plages horaires autorisées
Les employeurs doivent s’assurer que les travaux sur les chantiers respectent les plages horaires autorisées par les réglementations locales.
En Suisse, les travaux sur les chantiers sont autorisés entre 7 h et 19 h. Le samedi, les travaux sont autorisés entre 7 h et 17 h, bien que cela puisse varier selon les cantons et les communes. Les travaux sont généralement interdits le dimanche et les jours fériés, sauf dérogation spéciale.
Bon à savoir : Certaines zones sensibles, comme les zones résidentielles, peuvent avoir des restrictions supplémentaires pour réduire les nuisances sonores et les perturbations.
L’obligation de limiter les nuisances sonores
Les normes de bruit établissent des niveaux sonores maximaux qui ne doivent pas être dépassés. Ces niveaux peuvent varier en fonction de l’heure de la journée et de la zone (résidentielle, commerciale, industrielle). Les entreprises de construction doivent donc élaborer des plans de gestion des nuisances sonores pour identifier et minimiser les sources de bruit.
Elles doivent également mettre en œuvre des mesures préventives pour éviter les bruits excessifs :
- limitation des travaux les plus bruyants aux heures autorisées ;
- utilisation de barrières acoustiques ;
- entretien régulier des machines ;
- utilisation de panneaux d’affichage sur le chantier pour fournir des informations sur la durée des travaux ;
- emploi de machines et d’équipements spécialement conçus pour être plus silencieux ;
- adoption de méthodes de construction moins bruyantes, comme le perçage plutôt que le marteau-piqueur.
L’obligation de mettre en place des mesures de sécurité efficaces
Les entreprises du bâtiment ont l’obligation légale de mettre en place des mesures de sécurité efficaces pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs sur les chantiers. Les principales dispositions légales et réglementaires sont établies au niveau fédéral et sont mises en œuvre par des organismes compétents comme la Suva.
Les employeurs doivent réaliser une évaluation exhaustive des risques présents sur le chantier, en identifiant les dangers potentiels pour la santé et la sécurité des travailleurs.
Il faut ensuite prendre des mesures de protection collective :
- installation de garde-corps ;
- de filets de protection ;
- de dispositifs antichute sur les zones de travail en hauteur.
Les échafaudages doivent être correctement montés et sécurisés. Les Équipements de Protection Individuelle (EPI) doivent être fournis gratuitement aux travailleurs :
- casques ;
- gants ;
- lunettes de protection ;
- chaussures de sécurité ;
- harnais antichute, etc.
Leur utilisation doit être obligatoire sur le chantier.
Les zones de travail doivent être clairement délimitées et sécurisées pour empêcher l’accès non autorisé. Des panneaux de signalisation et des barrières doivent être installés pour indiquer les zones dangereuses.
Les voies de circulation pour les piétons et les véhicules doivent être balisées et maintenues en bon état pour prévenir les accidents.
Tous les équipements utilisés sur le chantier, qu’ils soient individuels ou collectifs, doivent faire l’objet de contrôles réguliers et de maintenance pour garantir leur bon fonctionnement et leur sécurité. Les engins de chantier, les outils électriques, et les dispositifs de levage doivent être inspectés périodiquement par des personnes qualifiées.
L’obligation de souscrire aux assurances nécessaires
Les entreprises du bâtiment ont l’obligation légale de souscrire à plusieurs assurances pour garantir la couverture des risques inhérents à leurs activités. Ces assurances visent à protéger les professionnels, leurs clients, et les tiers contre les dommages pouvant survenir au cours ou à la suite des travaux.
La souscription à ces assurances est non seulement une exigence légale, mais également une nécessité pour sécuriser financièrement les entreprises et leurs clients.
Parmi ces assurances, l’on retrouve :
- L’assurance-accident oblige les employeurs à souscrire une assurance accidents pour tous leurs employés. Cette assurance couvre les accidents professionnels et non professionnels, ainsi que les maladies professionnelles.
- Bien que non imposé par la loi, il est fortement recommandé pour les entrepreneurs du bâtiment de souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle. Cette assurance couvre les dommages causés à des tiers (clients, passants, etc.) lors de l’exécution des travaux.
- Non imposé par la loi suisse, il est cependant conseillé aux entrepreneurs du bâtiment de souscrire une assurance garantie décennale, qui couvre les défauts de construction pendant une période de dix ans après la réalisation des travaux.
L’obligation de respecter les normes et règlements techniques applicables
En Suisse, les normes en vigueur dans le secteur de la construction sont définies par plusieurs lois, ordonnances, et standards techniques. Ces normes visent à assurer la qualité, la sécurité, et la durabilité des constructions, ainsi qu’à protéger l’environnement.
Ainsi, les normes SIA sont parmi les plus importantes dans le secteur de la construction en Suisse. Elles couvrent une vaste gamme de sujets, notamment :
- SIA 260 : Bases pour les structures portantes.
- SIA 261 : Actions sur les structures portantes.
- SIA 262 : Béton structures.
- SIA 263 : Structures en acier.
- SIA 264 : Structures en bois.
Ces normes définissent les exigences de conception, de calcul et de réalisation des ouvrages de construction.
Les normes VKF (Vereinigung Kantonaler Feuerversicherungen) couvrent la protection contre les incendies et incluent des prescriptions sur les matériaux de construction, les systèmes de détection et d’extinction, ainsi que les plans d’évacuation.
Respecter ces normes est essentiel pour garantir la qualité, la sécurité des constructions.
L’obligation de connaître les motifs légitimes d’arrêt du chantier
Les motifs légitimes d’arrêt sont ceux qui sont reconnus par la loi, les règlements, ou les clauses contractuelles, et qui justifient l’interruption temporaire ou définitive des travaux sans engager la responsabilité de l’entreprise. Il s’agit, par exemple :
- Des conditions météorologiques défavorables. Les fortes pluies, tempêtes, gel, neige, ou températures extrêmes peuvent rendre la poursuite des travaux dangereuse ou techniquement impossible. Auquel cas, il est possible d’arrêter le chantier momentanément.
- Des découvertes archéologiques. La découverte de vestiges archéologiques sur le site de construction impose l’arrêt immédiat des travaux pour permettre des fouilles et des études.
- Des non-conformités. Si des malfaçons ou des non-conformités graves sont constatées, les travaux peuvent être arrêtés pour permettre leur rectification. Cette décision peut être prise par le maître d’ouvrage, le maître d’œuvre, ou les autorités de contrôle.
L’obligation de la QR-facture
La QR-facture est une nouvelle norme de facturation introduite pour moderniser et simplifier le processus de paiement des factures. Cette norme fait partie du Swiss Payment Standard (SPS) et a été introduite dans le cadre de l’harmonisation du trafic des paiements en Suisse.
La QR-facture a été officiellement introduite le 30 juin 2020 pour remplacer les anciens bulletins de versement rouge et orange (BV et BVR). Elle vise à simplifier le traitement des paiements en introduisant un code QR standardisé, le Swiss QR Code, qui contient toutes les informations nécessaires pour effectuer un paiement.
La QR-facture, en circulation depuis juin 2020, a définitivement remplacé les bulletins de versement suisses le 1er octobre 2022. Il faut donc s’y conformer.
L’obligation de tenir une comptabilité conforme aux normes et règlements en vigueur
Le Code des obligations suisse, en particulier les articles 957 à 964, stipule les exigences de base pour la tenue de la comptabilité et la présentation des comptes. La comptabilité doit être tenue de manière claire et compréhensible pour permettre une analyse appropriée de la situation financière.
Cela étant, l’obligation de tenir une comptabilité complète dépend du type d’entreprise :
- Entreprises individuelles et sociétés de personnes : si le chiffre d’affaires annuel dépasse 500 000 CHF, elles sont tenues de tenir une comptabilité complète. En dessous de ce seuil, une comptabilité simplifiée (journal des recettes et des dépenses, état du patrimoine) suffit.
- Sociétés de capitaux et coopératives : Elles doivent tenir une comptabilité complète, indépendamment de leur chiffre d’affaires.
Pour les petites entreprises avec un chiffre d’affaires annuel inférieur à 500 000 CHF, la comptabilité simplifiée doit inclure :
- Un journal des recettes et des dépenses.
- Un état du patrimoine (bilan simplifié).
Pour les entreprises dépassant le seuil de 500 000 CHF de chiffre d’affaires annuel, les exigences sont plus détaillées :
- Établissement régulier de bilans et de comptes de résultat.
- Réalisation d’un inventaire complet des actifs et des passifs au moins une fois par an.
- Utilisation d’un plan comptable structuré selon les besoins de l’entreprise.
Focus : la responsabilité des différents acteurs (MOA, MOE et des sous-traitants)
Les obligations des MOA
Le maître d’ouvrage est le propriétaire du projet de construction et a plusieurs responsabilités clés :
- Établir les exigences et les objectifs du projet.
- Assurer le financement du projet et le paiement des prestations fournies.
- Sélectionner le maître d’œuvre et les sous-traitants, souvent par appel d’offres.
- Obtenir les permis nécessaires et s’assurer que le projet respecte les régulations locales et fédérales.
- Surveiller l’avancement des travaux et veiller à ce que les délais et les coûts soient respectés.
Les obligations des MOE
Le maître d’œuvre est généralement un architecte ou un ingénieur responsable de la conception et de la gestion technique du projet :
- Élaborer les plans et les spécifications techniques du projet.
- Coordonner les différents intervenants, y compris les sous-traitants, pour assurer la bonne exécution des travaux.
- Surveiller les travaux sur le chantier pour s’assurer qu’ils respectent les plans et les spécifications.
- Garantir la qualité des travaux et leur conformité aux normes et régulations en vigueur.
- Conseiller le maître d’ouvrage sur les aspects techniques et financiers du projet.
Les obligations des entrepreneurs
Les sous-traitants sont des entreprises ou des artisans spécialisés chargés de réaliser des parties spécifiques du projet :
- Réaliser les travaux conformément aux plans, aux spécifications techniques et aux délais impartis.
- S’assurer que les travaux sont effectués selon les normes de qualité et les réglementations en vigueur.
- Respecter les règles de sécurité sur le chantier pour protéger les travailleurs et le public.
- Informer le maître d’œuvre de l’avancement des travaux et des éventuels problèmes rencontrés.
- Fournir des garanties pour les travaux effectués, couvrant généralement les défauts de construction pendant une période déterminée.
Obligation de l’entrepreneur : tout ce que vous devez savoir
Quels sont les principaux risques encourus par un entrepreneur du bâtiment en cas de non-respect des obligations légales ?
En cas de non-respect des obligations légales, l’entrepreneur du bâtiment s’expose à plusieurs risques importants. Tout d’abord, il peut faire l’objet de sanctions administratives et financières, telles que des amendes, des ordres de cessation des travaux, ou même des interdictions d’exercer.
Par ailleurs, le non-respect des normes de sécurité peut entraîner des accidents de travail, engageant la responsabilité pénale de l’entrepreneur et pouvant conduire à des poursuites judiciaires.
Comment un entrepreneur du bâtiment peut-il s’assurer de rester conforme aux nouvelles réglementations, comme la facturation électronique ?
Pour rester conforme aux nouvelles réglementations, un entrepreneur du bâtiment doit :
- Suivre les évolutions législatives via une veille réglementaire.
- Former le personnel aux nouvelles obligations.
- Mettre à jour les systèmes informatiques pour intégrer les exigences de facturation électronique.
- Collaborer avec des experts comptables et juridiques.
- Maintenir une communication ouverte avec les clients et documenter les procédures de conformité.